Politique du handicap : Qu'a changé la loi de 2005 ?

La loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées de 2005 a renoncé à une approche strictement médicale du handicap. Visant à faciliter le maintien en milieu ordinaire, elle est considérée comme une refondation de la politique du handicap.

Selon les termes de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, "constitue un handicap […] toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant". Cette définition est inspirée de la classification internationale du handicap.

L’accessibilité

L’accessibilité concerne tous les handicaps (sensoriels, psychiques, cognitifs ou intellectuels). Pour favoriser le maintien à domicile et une meilleure intégration dans la ville, l’obligation d’accessibilité s’impose aux différentes composantes de la vie collective : établissements recevant du public (ERP), locaux professionnels, logements, transports, voirie, écoles, services publics, moyens de communication publique en ligne, loisirs.

La loi de 2005 fixe l’obligation d’accessibilité au 1er janvier 2015 pour les ERP et au 13 février 2015 pour les transports publics. Cet objectif, très partiellement atteint, est réaffirmé par la Conférence nationale du handicap 2023 (CNH 2023). 

Prenant acte de l’impossibilité de respecter les échéances prévues par la loi, une ordonnance du 26 septembre 2014 (ratifiée par la loi du 5 août 2015) simplifie et explicite les normes d’accessibilité. Elle instaure également les Agendas d’Accessibilité Programmée (Ad’AP). Obligatoire pour tous les ERP, ce dispositif permet d’obtenir un délai supplémentaire de 3 à 9 ans pour réaliser les travaux d’accessibilité. Selon les chiffres de la CNH 2023, 900 000 ERP sont engagés dans une mise en accessibilité sur près de 2 millions. Le lancement du fonds territorial d'accessibilité, le 2 novembre 2023, est destiné à accélérer la mise en accessibilité des ERP grâce à une subvention de l'État à hauteur de 50% (travaux et équipements). La mise en accessibilité des bâtiments de l'État, des opérateurs publics et de la sécurité sociale doit être finalisée d'ici à 2027.

Les services de transports publics doivent élaborer un schéma directeur d’accessibilité qui peut s’étendre sur trois ans pour le transport urbain, six ans pour le transport interurbain et neuf ans pour le transport ferroviaire. S’agissant des logements, c’est la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées qui avait posé le principe de l’obligation d’accessibilité des logements neufs. L’obligation d’accessibilité a été confirmée par la loi de 2005. La loi du 28 juillet 2011 portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap introduit des dérogations pour les logements destinés à l’occupation saisonnière ou temporaire. Pour les associations de personnes handicapées, ces dérogations ont été une première brèche au principe de conception universelle.

La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) revoit à la baisse les règles d’accessibilité. Au lieu des 100% initialement exigés, 20% des logements neufs en habitat collectif doivent être accessibles. Les autres logements doivent être évolutifs, c’est-à-dire qu’ils peuvent être rendus totalement accessibles par des travaux simples et à moindre coût. Depuis le 1er janvier 2019, le répertoire des logements locatifs des bailleurs sociaux doit renseigner le niveau d’accessibilité des logements.

L’ordonnance du 6 septembre 2023, prise en application de la loi du 9 mars 2023, réaffirme les obligations de la loi de 2005 sur "l’accessibilité numérique à 100%". Depuis le 1er janvier 2024, les sites de l'internet public non accessibles aux personnes handicapées peuvent être sanctionnés à hauteur de 50 000 euros. Le but est que les démarches en ligne les plus courantes soient accessibles fin 2025.

Dans une décision sur les droits des personnes handicapées rendue publique en avril 2023, le Comité européen des droits sociaux (CEDS), institution du Conseil de l'Europe, conclut à la violation par la France de la Charte sociale européenne "en raison du manquement des autorités à adopter des mesures efficaces dans un délai raisonnable en ce qui concerne l’accès aux services d’aide sociale et aux aides financières, l’accessibilité des bâtiments, des installations et des transports publics, et à développer et adopter une politique coordonnée pour l’intégration sociale et la participation à la vie de la communauté des personnes handicapées".

Ressources et droit à compensation

Le maintien en milieu ordinaire est également favorisé par un accès facilité aux services sociaux et une revalorisation des ressources des personnes en situation de handicap.

La loi crée un guichet unique : les maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH). Leur création vise à rassembler au sein d’une seule structure tous les acteurs de la prise en charge du handicap qui étaient jusqu’alors dispersés.

Les MDPH sont créées sous le statut de groupement d’intérêt public (GIP) à durée indéterminée. Le département assure la responsabilité administrative et financière. Les associations sont représentées au sein de la commission exécutive.

La loi de 2005 consacre le principe du droit à compensation pour la personne handicapée afin de "faire face aux conséquences de son handicap dans sa vie quotidienne". La prestation de compensation du handicap (PCH) vise à prendre en charge les surcoûts liés au handicap (financement d’une aide à domicile, de matériel médical, de travaux d’aménagement, etc.). Au sein des MDPH, les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), créées par la loi de 2005, évaluent le taux d’incapacité de la personne handicapée et attribuent la prestation de compensation du handicap.

La loi de 2005 autorise le cumul de l’allocation adulte handicapé (AAH) avec les revenus du travail, tout en faisant une distinction entre travail en établissement et service d'accompagnement par le travail (ESAT) et travail en milieu ordinaire.

En milieu ordinaire, les revenus sont pris en compte à hauteur de 20% à 60% du salaire pour le calcul de l'AAH [Peut-on travailler et toucher l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ?]. En ESAT, le cumul salaire AAH ne peut dépasser :

  • 1 766,92 euros pour une personne seule ;
  • 2 296,99 euros pour une personne en couple ;
  • 2 562,03 euros pour une personne en couple avec un enfant ou un ascendant à charge.

La loi de 2005 instaure également des compléments à l’AAH :

  • le complément de ressources permettait d’assurer un revenu égal à 85% du SMIC net aux personnes très gravement handicapées, dans l’incapacité de travailler et qui ont un logement indépendant. Il a été supprimé en 2019 ;
  • la majoration pour la vie autonome est une aide de 104,77 euros permettant aux personnes atteintes de 80% d’incapacité et qui disposent de leur propre logement de financer les dépenses d’aménagement [Handicap : majoration pour la vie autonome (MVA)].

Entre 2008 et 2012, l’AAH a été revalorisée de 25%. En 2019, par souci de simplification, le complément de ressources est supprimé. Le pouvoir d’achat des bénéficiaires est maintenu grâce à la revalorisation de l’AAH. Au 1er avril 2023, le montant de l'AAH à taux plein est de 971,37 euros par mois, quand, en 2021, le seuil de pauvreté monétaire est de 1 158 euros par mois pour une personne seule selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

Depuis le 1er octobre 2023, l'AAH est déconjugalisée : le conjoint du bénéficiaire et ses ressources ne seront plus pris en compte pour le calcul de l’AAH.

L’intégration scolaire

La loi de 2005 reconnaît à tout enfant porteur de handicap le droit d’être inscrit en milieu ordinaire, dans l’école dont relève son domicile. Ce principe est renforcé par la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République  qui introduit dans le code de l'éducation la notion d'école inclusive. Le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire est passé d’environ 100 000 en 2006 à plus de 320 000 en 2017. En 2006, 26% des élèves en situation de handicap bénéficiaient d’un accompagnement humain dans leur scolarité. En 2011, ils étaient 47%.

Dans un rapport de 2022 sur l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap, la Défenseure des droits souligne des avancées. Le nombre d’enfants en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire est passé de 321 500 à la rentrée 2017 à plus de 400 000 en 2021 (+19%). Elle souligne toutefois que, en 2021, 20% des saisines de l'autorité indépendante relatives aux droits de l'enfant concernent des difficultés d'accès à l'éducation de jeunes en situation de handicap.

La CNH 2023 a enclenché l'acte II de l'école inclusive :

  • attribution d’un numéro INE à tous les enfants instaurant de fait la scolarisation de tous les élèves et leur inscription dans un parcours scolaire et de formation ;
  • renforcement de la coopération entre l’Éducation nationale et le secteur médico-social ;
  • évolution du cadre d’emploi des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH)…

Les AESH ne sont plus recrutés en contrats aidés depuis 2019. Ces personnels de l'Éducation nationale ont des conditions de travail très précaires : 80% sont en contrat à durée déterminée (CDD), à temps partiel pour 98% d'entre eux, pour un salaire de 850 euros net mensuels, soit moins que le seuil de pauvreté. La loi du 16 décembre 2022 visant à lutter contre la précarité des AESH et des assistants d'éducation instaure un passage en contrat à durée indéterminée (CDI) pour les AESH au bout de 3 ans et la possibilité de CDI pour les assistants d'éducation (AED) au bout de 6 ans. 

À la rentrée 2018, 10 900 postes avaient été créés et des pôles inclusifs d’accompagnement avaient été mis en place dans les établissements. En 2021, quelque 130 000 AESH et 63 000 AED accompagnaient la scolarité de 430 000 enfants en situation de handicap. L'effectif des AESH en équivalents temps plein était de 85 502 à la rentrée 2023, d'après la réunion du comité national de suivi de l'école inclusive.

Le rapport de la Défenseure des droits souligne des freins à l'inclusion scolaire :

  • le système scolaire demande trop souvent aux enfants handicapés de s'adapter ;
  • les contraintes de gestion priment sur l'intérêt supérieur de l'enfant ;
  • les AESH sont peu formés, peu intégrés à la communauté éducative et leurs missions sont mal définies.

L’insertion professionnelle

En matière d’emploi, la loi de 2005 confirme les dispositions de la loi de 1987 sur l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) (6% d’emplois réservés). Elle étend cette obligation à la fonction publique. Elle durcit les sanctions financières en cas de non-respect de cette obligation en augmentant le montant de la contribution à l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph). Pour la fonction publique, le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées (FIPH) a une mission similaire à l’Agefiph.

En 2022, 111 300 entreprises privées et publiques sont soumises à l'OETH selon une étude de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares). Les objectifs ne sont pas atteints, avec un taux d'emploi direct de 3,5%, stable depuis plusieurs années. 

L'OETH est quasi respectée :

  • au sein des entreprises de 2 500 salariés et plus (taux d'emploi direct majoré, incluant les bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés âgés de 50 ans et plus, de 5,7%) ;
  • dans le secteur "administration publique, enseignement, santé et action sociale" (taux d'emploi direct majoré de 5,8%).

La loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances de 2015 permet aux entreprises de s’acquitter de l’OETH en accueillant des personnes handicapées dans le cadre de stages de mise en situation professionnelle.

La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de septembre 2018 réforme à nouveau l’OETH. Depuis le 1er janvier 2020, toutes les entreprises ont l’obligation de déclarer leur effectif total de bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés mais seules les entreprises dont l’effectif dépasse 20 salariés sont soumises à l’obligation d’employer au minimum 6% de travailleurs handicapés.

Cette déclaration se fait par le biais de la déclaration sociale nominative et non plus auprès de l’Agefiph. Le taux de 6% s’applique jusqu'en décembre 2024, date à laquelle le taux sera actualisé. Le nouveau taux – qui ne peut être inférieur à 6% – sera fixé en "référence à la part des bénéficiaires de l’obligation d’emploi dans la population active et à leur situation au regard du marché du travail".

La loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi vise à faciliter l'emploi des personnes handicapées dans les entreprises ordinaires. Les personnes non bénéficiaires de la reconnaissance de travailleur handicapé (RQTH) mais titulaires d'une rente d'incapacité ou d'une pension d'invalidité ont désormais les mêmes droits que les titulaires d'une RQTH sans passer par une MDPH. Les droits des travailleurs en ESAT sont alignés sur ceux des autres salariés.

Les personnes handicapées restent durement touchées par le sous-emploi et le chômage.  Selon l'enquête Emploi, chômage, revenus du travail, édition 2023 de l'Insee (Travail, santé et handicap), le taux de chômage des personnes actives reconnues handicapées s'établit à 12%, contre 7% pour l'ensemble de la population. Près de 3,4 millions de personnes en emploi sont limitées par un handicap ou un problème de santé (soit 12,2 % de la population en emploi).

Dans un avis de 2015, le Défenseur des droits a montré que le handicap est la deuxième cause de discrimination à l’embauche.

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